
Une femme sera tuée par son mari: ce qui se passe dans les jours précédents peut-il éclairer ce drame? Difficilement. Mais ce roman a d’autres zones d’intérêt, inattendues.
Le roman Nuits et jours avant la fin s’ouvre sur une note très claire: «Dans sept jours, Martin va tuer sa femme, Véronique, et sa fille, Emma.»
On a donc en tête cette funeste conclusion en entrant dans la semaine qui la précède. Chaque jour de celle-ci devient un chapitre, et les nuits prennent la forme des rêves de la mère de Martin, qui se meurt de son côté.
Or, au final, c’est moins la montée de la violence qui domine ce décompte que la mise en lumière d’un couple terriblement mal assorti. Tout du long, on se demande même comment Martin et Véronique ont pu un jour être attirés l’un par l’autre.
Mais puisque tout tient sur une semaine, il n’y a pas de remontée dans le temps pour expliquer cette incongruité. On voit simplement un homme méprisé par sa femme, plus riche que lui et qui le lui fait sentir, en lui faisant parader, de surcroît, son amant sous le nez.
C’est quand il retrouve des amis d’enfance que Martin revit, ravivant des moments associés à cette période de sa vie. Les pages consacrées au travail du bois que lui apprenait son père sont touchantes, à l’inverse de l’indifférence manifestée par Huguette, la mère de Martin.
Ce découpage tranché entre les tourments de Martin et la froideur des femmes de son entourage – sa fille Emma incluse, prise avec son propre mal-être – est en fait si fort que c’est de lui qu’on s’émeut. Marielle Giguère met bien le doigt sur le désarroi d’un homme ordinaire, empêtré dans ses défaites. Mais au point d’en arriver à une explosion meurtrière?
Sympathiques personnages secondaires
Heureusement, face à un couple incapable de communiquer, on trouve de sympathiques personnages secondaires rattachés à la résidence pour personnes âgées où habite Huguette.
Il y a Stanley, l’aimable gardien de sécurité, qui a fui Haïti avec sa famille et qui aimerait acheter une maison à Montréal. Tout un défi avec la surenchère immobilière qui sévit!
Il y a aussi des résidentes bien campées, comme Constance, la peintre qui jette sur la toile des souvenirs dont elle ne peut plus parler. Et Bénédicte, toujours alerte malgré ses cent ans. Elle a sa discipline, ses casse-têtes, ses copines, et cache quelques failles sous l’armure qu’elle affiche.
En fait, toute la vie en résidence est racontée avec un regard juste et senti. Un roman en soi, dont on prendrait davantage!
Bref, ce livre embrasse large, comme l’illustre aussi le choix de l’autrice de concentrer dans la même semaine plusieurs drames de la vie réelle: tremblement de terre à Haïti, meurtres des fillettes Carpentier, inondations historiques, attentat de la mosquée de Québec, et plus encore! C’est trop.
Retenons donc quelques pépites en écartant le plus sombre.
Nuits et jours avant la fin
Marielle Giguère
L’instant même
176 pages
2025
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