
Il y a eu la murale à son effigie. Le prix littéraire qui porte son nom. L’installation documentaire à la Place-des-Arts. La pièce sur sa vie avec Guylaine Tremblay. Les émissions de télé. Les grandes entrevues.
Depuis des mois, le Québec se prépare à célébrer le premier siècle de Janette. Tout le Québec? Non. Il y a à l’Université de Montréal et à la Société de transport de Montréal un groupe d’irréductibles bienpensants qui ont refusé de nommer Janette Bertrand dans la liste des 73 femmes qui méritaient d’avoir leur nom dans une station de métro, si on rebaptisait les stations.
Même si Janette, qui est trop modeste et humble, a balayé cet affront du revers de la main quand elle a été questionnée là-dessus à Tout le monde en parle, il n’en reste pas moins que ça restera dans mon esprit comme une gifle envers l’héritage culturel de celle qui a traversé un siècle de controverse.
Communicatrice
Quand je repense à mon premier contact avec «l’œuvre de Janette», je me revois installée, à 19 ans, devant ma télévision à écouter Parler pour parler.
Cette émission aurait dû s’intituler «Écouter pour écouter» parce que Janette y faisait preuve d’une qualité d’écoute et d’attention exceptionnelle. Si je retiens une chose de Janette, c’est bien ça. Une intervieweuse qui est réellement curieuse d’enten-dre ce que dit son invité.
Je n’ai jamais compris pourquoi cette émission avait été aussi parodiée, ridiculisée et d’une certaine façon méprisée. Au Bye bye ou par RBO. Janette a déjà dit, d’ailleurs, à quel point ça l’avait blessée.
La force de Parler pour parler, c’était que Janette y invitait des inconnus, des monsieur et madame Tout-le-Monde et que jamais elle ne les prenait de haut, jamais elle n’était condescendante, jamais elle ne les traitait de façon hautaine. Leur parole, leur vécu, leur expérience étaient aussi importants aux oreilles de Janette que le témoignage d’une vedette, d’un politicien ou d’un multimillionnaire.
Alors qu’aujourd’hui nos émissions sont obsédées par les confidences et les anecdotes insignifiantes de gens connus, cette émission faisait le contraire : des témoignages percutants de gens inconnus. Inutile de vous dire que je ne crois pas une seule seconde qu’une émission comme Parler pour parler pourrait voir le jour aujourd’hui…
Écouter et entendre
Bien sûr, quand on parle de l’héritage culturel de Janette, il faut parler de ses livres (tous des best-sellers), de ses pièces de théâtre et de ses dramatiques à la télé.
Janette n’a jamais eu besoin de cartons avec des questions écrites par des recherchistes pour faire de bonnes entrevues. Elle n’était armée que de sa curiosité.
Elle a collé son oreille à la porte de nos chambres à coucher. Elle a posé les bonnes questions aux bonnes personnes. Et elle s’est réellement intéressée aux réponses. Janette voulait VRAIMENT savoir.
On a beaucoup dit que Janette avait brisé des tabous. Elle a surtout brisé le mur du silence. Elle a écouté ceux qui parlaient pour la première fois des drames qui avaient démoli leur vie. Elle les a écoutés, mais surtout elle les a entendus.
On a beaucoup dit, avec raison, que Janette avait déniaisé le Québec. J’aimerais beaucoup que l’on dise plus justement et plus simplement que «Janette a écouté le Québec».
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