
«27 de mes livres ont été volés»: India Desjardins et plusieurs auteurs québécois dénoncent sur les réseaux sociaux le piratage de leurs œuvres par Meta dans le but d’alimenter le développement d’une application d’intelligence artificielle.
Avant que le président de l’Union des écrivaines et des écrivains du Québec (UNEQ), Pierre-Yves Villeneuve, ne sonne l’alarme sur Facebook jeudi soir, la maman d’Aurélie Laflamme ignorait que ses livres avaient été ajoutés dans LibGen.
Cette controversée base de données internationale contient des œuvres protégées par le droit d’auteur, sans le consentement de leurs créateurs. Meta s’en sert pour entraîner ses modèles d’intelligence artificielle.
«Quand j’ai vu mon nom là-dedans, je me suis senti comme la fois où j’avais été victime d’un vol à mon domicile», confie India Desjardins au Journal.
«C’est vraiment un sentiment d’injustice», ajoute-t-elle.
«Je vais être plagiée»
Elle n’est pas la seule à avoir eu la «très mauvaise surprise» de constater que ses livres se trouvaient dans LibGen.
Des œuvres de Michel Jean, Patrick Senécal, Chrystine Brouillet, Roxanne Bouchard, Simon Boulerice, Kim Thuy, Michel Tremblay, Michel Rabagliati et quantité d’auteurs du Québec y sont.
Michel Jean
Photo d’archives
«Tous mes titres ont été volés pour entraîner l’IA», se désole Roxanne Bouchard sur Facebook. «Je vais être plagiée et dépassée par une machine qui va produire quelque chose de meilleur que moi. Et peut-être que les lecteurices (sic) vont préférer l’IA», craint-elle.
Roxanne Bouchard, Chrystine Brouillet et Patrick Senécal.
Photo d’archives Cédric Bélanger
Le dessinateur Jean-Paul Eid, aussi sur Facebook, parle du «plus grand vol de propriété intellectuelle de l’histoire».
«Je suis illustrateur et nous avons été parmi les premières victimes de cette machine à plagier notre style à partir de nos propres œuvres, d’années de travail et de talent.»
«Pillage généralisé»
Selon des informations révélées via une poursuite intentée par des auteurs américains, Meta aurait piraté plus de 160 téraoctets de données (l’équivalent de dizaines de millions de livres) via LibGen et des bibliothèques cachées en ligne.
Le grand patron de Meta, Mark Zuckerberg, aurait lui-même approuvé l’utilisation d’œuvres piratées pour développer son modèle d’intelligence artificielle Llama.
«On savait qu’il y avait du piratage, mais l’ampleur de ce pillage généralisé nous surprend», dit Pierre-Yves Villeneuve, qui compte six de ses ouvrages dans LibGen.
Pierre-Yves Villeneuve
Photo d’archives fournie par François Couture
Dans une déclaration écrite transmise au Journal, l’Association nationale des éditeurs de livres déclare que «l’intelligence artificielle exacerbe les problèmes de piratage de livres et de contenus informationnels».
Un recours collectif?
Aux États-Unis, des auteurs ont déposé une poursuite pour violation du droit d’auteur devant une cour fédérale de Californie, au début de l’année, contre Meta.
Un autre groupe d’auteurs, dont font partie John Grisham (La firme) et George R.R. Martin (Le trône de fer), a pour sa part intenté un recours collectif contre OpenAI pour «vol systématique à grande échelle», en 2023.
John Grisham
Photo d’archives IZZY/WENN.com
Les auteurs québécois les imiteront-ils? «Je me sens comme David contre Goliath. C’est quoi notre pouvoir contre des empires», s’interroge India Desjardins.
«Le milieu du livre doit s’asseoir pour parler de la marche à suivre. Ce n’est pas juste l’UNEQ, les libraires sont concernés, tout comme les éditeurs et les distributeurs», expose Pierre-Yves Villeneuve, en déplorant la vétusté de la loi fédérale sur le droit d’auteur.
«Ça fait dix ans qu’on attend une révision de la loi parce que sa définition d’une utilisation équitable (des œuvres) est très souple.»
C’est justement cette notion d’utilisation équitable des œuvres dont se sert Meta pour se défendre dans les poursuites qui la visent aux États-Unis.
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