
Au petit matin, Jamie, 13 ans, est arrêté dans la maison familiale, accusé d’avoir poignardé à mort une collégienne. La mini-série britannique Adolescence fait un carton et provoque l’angoisse de parents, face aux influences toxiques et misogynes auxquelles sont exposés les jeunes en ligne.
Adolescence est numéro 1 au niveau mondial sur Netflix, avec plus de 24 millions de vues en une semaine de diffusion.
Sur le canapé familial, à la machine à café, au parlement britannique, c’est la série qui fait parler. Le premier ministre britannique Keir Starmer a dit aux députés la regarder avec ses enfants adolescents.
Une question guide les quatre épisodes – tournés en plans-séquences, ce qui accentue le sentiment d’immersion: comment Jamie, avec son visage d’ange de jeune adolescent et sa famille aimante, se retrouve-t-il au centre de cette enquête criminelle?
La série résonne avec l’actualité britannique: les attaques au couteau qui font régulièrement la une, l’influence des masculinistes comme Andrew Tate et des discours misogynes sur certains jeunes, l’impossibilité de contrôler la vie en ligne des adolescents.
Isabelle, mère de deux filles de 16 et 18 ans, a été «choquée», consciente que l’histoire «pourrait tout à fait être vraie».
Il y est question du langage employé par des jeunes sur les réseaux, concernant notamment l’idéologie «incel» (abréviation anglophone pour «célibataires involontaires», désignant des hommes qui ont peu de succès auprès des femmes et se mettent à nourrir une haine à leur égard).
«Toute cette culture nous échappe, les adultes en sont exclus. Et c’est effrayant», explique Isabelle, qui a voulu rester anonyme.
«Si son enfant est pris là-dedans, comment l’en sortir?», s’interroge cette habitante de Glasgow, en Écosse.
La presse britannique, dithyrambique sur Adolescence, se pose elle aussi la question.
«Bombe à retardement»
«Comment savoir si votre fils est une bombe à retardement?», s’interroge le Daily Mail. Le quotidien a dressé la liste des signes à surveiller: le fait qu’il passe plus de temps seul dans sa chambre, qu’il devienne «obsédé» par ses followers etc.
Les auteurs et acteurs de la série font le tour des plateaux. «Nous n’avions pas pensé une seule seconde que (la série) aurait un tel impact», a dit sur la BBC Stephen Graham, le créateur d’Adolescence, qui joue le père de Jamie.
L’idée lui est venue après deux meurtres d’adolescentes, commis en l’espace de quelques semaines par de jeunes hommes.
«Nos recherches pour la série nous ont emmenés dans les espaces les plus sombres d’internet. Il ne faut pas longtemps pour y accéder et les enfants sont pollués par ce genre de choses», a déclaré de son côté Jack Thorne, co-auteur d’Adolescence. Il appelle le gouvernement à agir.
Fondateur de Men at Work, qui aide enseignants et travailleurs sociaux à dialoguer avec les jeunes hommes et lutter contre le sexisme, Michael Conroy se dit «très content de la sortie de cette série».
Elle va aider les enseignants et les parents à «démarrer des conversations indispensables», souligne-t-il.
Mais ce professionnel met en garde: si les conversations prennent la forme de critiques ou d’accusations, «il n’y aura pas de dialogue constructif et beaucoup de jeunes se sentiront attaqués».
Michael Conroy appelle les adultes à s’intéresser à la «manosphere», aux discours masculinistes et au langage qui les accompagne: «Que disent-ils? Quels sont les codes?».
«C’est la bonne série qui arrive au bon moment», salue également Andy Burrows, directeur de la fondation Molly Rose, créée après le suicide de Molly Russell, 14 ans, en 2017. La justice britannique avait reconnu le rôle joué dans ce drame par des contenus vus en ligne par l’adolescente.
«La série rend un service extraordinaire en facilitant un débat national sur l’impact de la misogynie extrême, sur la manière dont des contenus en ligne influencent des adolescents», estime-t-il.
La fondation appelle depuis des années à renforcer la législation et réguler les algorithmes.
«Il faut s’assurer que les jeunes garçons ne soient pas bombardés de contenus dangereux par des algorithmes», plaide Andy Burrows.
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