«Classique(s)» au TNM: une pièce pour dompter les monstres sacrés du théâtre


De Shakespeare à Tremblay, les auteurs ont laissé une marque indélébile sur la culture par le biais d’œuvres devenues classiques avec le passage du temps. Mais quel rapport entretient-on avec ces monstres sacrés? C’est la question complexe que pose le Théâtre du Nouveau Monde avec Classique(s), une pièce éclatée qui défie les conventions.

L’étiquette de classique, apposée ici et là sur différentes œuvres depuis des centaines d’années, peut conférer à celles qui le portent un caractère intimidant, voire élitiste. Peut-on réellement critiquer ces monstres sacrés ou, à tout le moins, avouer avoir de la difficulté à en saisir le sens?

«“Classique”, c’est un mot qui peut faire peur», atteste Julie Le Breton.

«Les gens pensent souvent que c’est honteux de dire qu’on ne comprend pas une œuvre classique. Mais c’est parfaitement acceptable de se questionner, de chercher à comprendre! Nous aussi, on ne comprend pas toujours. Quand on monte des classiques, on travaille 200 heures pour essayer de les comprendre et les rendre le plus sentis, le plus réels», poursuit la comédienne.

L’équipe de Classique(s) se donne donc cette permission de regarder d’un œil critique les œuvres dites classiques, huit comédiens – et trois musiciens – remettant en question leur pertinence et la compréhension qu’on a de celles-ci. Le résultat, un spectacle en trois actes bigarrés, est si singulier qu’il devient difficile à décrire en mots.

«Dès le départ, je savais dans quoi je m’embarquais, avise Julie Le Breton. Mais je comprends que c’est un spectacle inhabituel qu’il faut vivre, en faire l’expérience pour réellement le comprendre.»


Classique(s)


Louise Cardinal, Martin Drainville, Julie Le Breton et Madeleine Starr dans une scène de Classique(s).


Photo Yves Renaud, fournie par le TNM

«Confiance absolue»

Elle avait beau savoir «dans quoi [elle] embarquait», la comédienne ne savait pas exactement de quoi allait être composée Classique(s) en matière de répliques. Approchée par Mani Soleymanlou – metteur en scène et coauteur avec Fanny Britt – il y a deux ans, Julie Le Breton a accepté immédiatement de prendre part à cet exercice scénique en entendant sa simple prémisse.

«Je n’ai pas eu besoin d’y penser plus que deux secondes. J’aimais l’idée de sauter dans le vide, mais en compagnie de gens en qui j’ai une confiance absolue, des gens dont je respecte l’esprit, la folie et le talent», explique-t-elle.

Julie Le Breton, Mani Soleymanlou, Kathleen Fortin, Martin Drainville, Madeleine Starr, Jean-Moïse Martin, Louise Cardinal et Benoit McGinnis forment donc ce que la production aime appeler un «monstre à huit têtes», disséquant l’expérience théâtrale entière, de sa composition aux attentes des spectateurs – comme celles des artistes sur scène – en passant par les œuvres régulièrement empruntées au passé pour être revisitées sur scène.

La forme, elle aussi, se veut éclatée; on fait tomber le quatrième mur, les acteurs s’adressant parfois au public en leur propre nom pour ensuite emprunter les mots et personnages de Shakespeare, Michel Tremblay et autres Sophocle.

«On commence le show en établissant les codes avec les gens dans la salle, on présente le contenant dans lequel on se trouve pour ensuite mieux le faire éclater et se tendre la main pour avancer ensemble là-dedans. Et c’est ça qui est intéressant; on vient briser la distance habituellement imposée par le théâtre entre les acteurs et les spectateurs», résume Julie Le Breton.

  • La pièce Classique(s) est présentée au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 10 avril. Elle prendra l’affiche du Centre national des arts d’Ottawa du 24 au 26 avril, puis du Diamant, à Québec, du 30 avril au 2 mai.

Notre critique:

Proposition unique et intrigante, Classique(s) vient désacraliser les œuvres dites classiques dans un exercice théâtral nécessaire et rafraîchissant visant à les rendre plus accessibles. Si le résultat – d’une durée de deux heures sans entracte – est par moment inégal, l’ensemble demeure franchement hilarant, en plus de permettre à sa distribution d’offrir des prestations de haute voltige. Tous irréprochables, les huit interprètes y démontrent l’étendue de leur talent, capables de s’approprier autant les mots de Tremblay ou de Shakespeare que la truculente plume actuelle partagée par Mani Soleymanlou et Fanny Britt.



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